Samedi 23 juin 2018 ((rezonodwes.com))– En 1978, j’ai acheté une propriété á Paillant pour dix mille dollars américains. J’ai bénéficié de la complaisance d’un chauffeur de bulldozer de la Reynold Mining Corporation qui fit gratuitement des opérations d’épierrement, d’excavation , d’aménagement du terrain et de fouille d’une citerne d’un million litres d’eau de capacité. Ces travaux m’auraient coûté dans un intervalle de huit jours ininterrompus á l’époque 50.000 dollars verts.


A l’époque ,je sollicitais du BCA un prêt de 23.000 dollars pour faire les travaux de conservation de sol sur tout le terrain et pour faire des plantations de haricot. Apres évaluation de ma propriété, la BCA me fit savoir qu’elle ne pouvait me prêter que 12..000 dollars en échange par devant un notaire de l’hypothèque de mon terrain qu’elle estimait ne pas dépasser 16.000 dollars pour garantir son prêt…

De fait les 12.000 dollars représentaient á peine la moitié de mes besoins financiers pour les travaux de conservation et de préparation de sol du haricot dont la vente de la récolte devrait servir pour une plantation de pomme de terre et d’igname. J’ai du accepter les conditions du BCA. J’achetai et semai 500 marmites de haricot en utilisant les semences graines des paysans de la zone. La où le sol était plus ou moins fertile j’obtenais des rendements de huit pour un et dans les endroits pauvres quatre pour un..La vente du haricot ne permettait même pas d’amortir le prêt. Je perdis l’argent. je remboursai la dite somme sur mon chèque d’agronome, après arrangement entre le ministre Severin, le BCA et moi.

Plus tard suite á un essai de pomme de terre avec des semences que le ministère recevait de l’Europe, je fis une récolte de quarante pour un sur un huitième d’has. Fort de cette prouesse, je prêtai de l’argent sur le marché informel et fis tous les investissements pour planter trois has de pomme de terre á trois mille dollars l’ha en bâtissant les châteaux d’Espagne que me permettraient de construire la récolte de pomme de terre. Il arriva que pour planter les trois has de pomme de terre les semences améliorées et multipliées n’étaient plus disponibles.

Utilisant le savoir traditionnel, je me fiais aux semences de Kenskoff que les multiplicateurs vendaient dans la zone. A mon insu ces semences étaient toutes infestées de la maladie du flétrissement bactérien et du mildiou . Tout marchait très bien lorsque, une pluie diluvienne de huit jours m’empêcha tout traitement fongicide pour prévenir les cas de maladie de mildiou et de pseudomonas. Dans l’espace de huit jours, ces deux maladies me ramenèrent les pieds sur terre et tous mes espoirs se fondaient en déceptions et frustrations par la perte des trois has de plantation. Je venais de perdre quinze mille dollars. Je pourrais dire autant sinon plus sur la commercialisation des légumes et de l’igname qui ne vous laisse aucune chance de réussite sans l’organisation impossible aujourd’hui encore de la chaîne de la commercialisation

Le clous agricole de mes pertes a été enfoncé dans ma chair avec la destruction de mon élevage porcin florissant á cause de la nourriture que je ne trouvais pas á acheter, malgré une disponibilité de cash.

Aujourd’hui, trente deux ans après, que les conditions techniques et économiques d’exploitation agricole sont devenues pires qu’ avant, s’agite l’idée des assurances agricoles comme une incitation au développement de l’agriculture haïtienne. Elle a semblé trouver un écho favorable au niveau de certaines banques commerciales très avares de leurs avoirs et de certains organismes internationaux qui croient avec les assurances que le risque des opérations de crédit est réduit et qu’une telle mesure représente un stimulus pour l’investissement dans ce secteur.


La première expérimentation de cette approche allait être faite au niveau du cercle des initiés de la structure étatique qui aurait une expérience heureuse dans la production sur commande de semences de banane, de mini set de plans d’igname ou dans la production de quantité insignifiante de semences de haricot ou de mais. Ces initiés (employés de l’état et réseau d’ONG liges) auraient signé avec des organismes internationaux suspects des contrats de production de ces commodités. Il faudrait souligner que ces types de contrats n’ont pas besoin de police d’assurance parce qu’ils ne comportent pas vraiment de risques significatifs de pertes de production ou de commercialisation. La matière de production est un produit fini qui nécessite seulement une certaine technologie de multiplication parfaitement métrisable de ces initiés à l’abri des facteurs biologiques et des aléas climatiques impondérables.

Sur le plan direct de la production agricole en Haïti l’utilisation d’assurances agricoles est justifiée uniquement par les rapports maffieux existant entre la coopération internationale en général et les structures para-étatiques qui sont á la fois concepteurs, exécuteurs, complices et bénéficiaires des avantages de la police d’assurance. Les risques de pertes dans la production de plants de banane, de plants d’igname qui sont deux produits hautement lucratifs sont significatifs de la loi de l’offre et de la demande .Ils sont compensés par deux éléments nouveaux: le fonctionnement en réseau d’un groupuscule de producteurs et des ONG et les différentes subventions dont ils étaient bénéficiaires dans la mise en place des travaux coûteux d’infrastructures de base. Ailleurs le prix d’achat exagérément élevé des régimes de banane sur le marché exclusif de Port-au-Prince dicté par la rareté du produit est un cas de pathologie commerciale accepté par le gouvernement haïtien qui refuse de régulariser le secteur.

Si d’une part, certains producteurs peuvent se retrouver sur le marché des plants de banane tolérants á la maladie du Sigatoka noir á cause des avantages préférentiels reçus, il faut admettre que la culture rentable de la banane á l’Arcahaie est l’apanage d’ayant droits qui peuvent jouir á volonté de la disponibilité en eau dans le projet PREPIPA ou ailleurs. D’autre part le réseau d’agronomes et hommes politiques qui dans la plaine de l’Arcahaie même, réunit les conditions privilégiées d’exploitation de la banane et qui a réalisé lui-même les premières expérimentations d’assurances agricoles dispose d’un maximum d’informations techniques et économiques les permettant de minimiser les risques dont ne possèdent pas le commun des producteurs. Le capital accumulé lors des contrats antérieurs les autorise á risquer sans peur 15 á 20% des fonds sans hypothéquer le capital foncier de leur patrimoine .Ils savent que avec ou sans pertes ils seront remboursés. .


En parlant d’assurances agricoles, il faudrait rappeler á toutes fins utiles une utilisation antérieure maffieuse des fonds de garantie comme produit financier offert en 1995 par le bureau agricole de crédit BCA pour stimuler l’investissement privé dans la production agricole, après le retour á l’ordre dit constitutionnel . A cette époque lá , le MARNDR á la recherche de stratégies politiques pour faciliter l’élection de proches alliés au sénat de la république dans le département de l’Artibonite voulait se servir de la culture de la tomate pour canaliser l’électorat.

Politiquement l’idée n’était pas mauvaise car pour une fois l’état prédateur pensait á établir un rapport de cause á effet entre la politique et les groupes sociaux qui détenaient ou le monopole de l’argent ou celui du vote électoral en milieu rural. Si l’idée de base était intégrée dans un cadre légal de promotion des partis politiques, elle aurait eu le mérite de faciliter la constitution de groupes d’intérêts économiques qui s’identifieraient dans le temps á un courant de politique qui deviendrait le parti de la paysannerie, comme c’est le cas dans les pays étrangers de syndicats agricoles qui se réclament des partis travaillistes, sociaux ou démocratiques. Pour implémenter cette idée de fonds de garantie, le MARNDR avait fait appel á un actionnaire d’une banque aujourd’hui passée á l’état haïtien.

Cet actionnaire était déjà un investisseur agressif dans la vente d’intrants agricoles dans le pays . Sa banque exigeait pour souscrire á cet appel la constitution d’un fond de garantie estimé á 80% du fond de crédit pour la production de la tomate. Les 80% du fond de garantie ayant été déposés á la dite banque , la compagnie privée bénéficiaire du contrat se lança dans les opérations de vente d’intrants nécessaires á la production de la tomate sans tenir compte de la supervision du crédit et de l’encadrement des producteurs. Privée de ces deux atouts l’opération a échoué et les agriculteurs n’ont pas réussi á rembourser les couts des intrants. La banque en question se contenta de réaliser l’hypothèque des fonds de garantie.

Après ce premier échec, le MARNDR voulut recommencer de nouveau l’expérience mais fut obligé d’y renoncer parce que la banque maffieuse exigeait un fond de garantie á 90% des fonds de crédit de plantation. Les gestionnaires du BCA qui sont des banquiers proches de la question agricole dénoncèrent le refus du contractant d’assumer le moindre risque et obligèrent le ministère á mettre fin á la manœuvre électoraliste.

A coté de l’aventure de la dite banque commerciale il y avait aussi les fonds libres de l’UE dont bénéficiaient aussi les ONG proches du pouvoir pour soutenir l’idée des bailleurs de fonds que les terres de l’ODVA convenaient mieux á la culture des fruits et légumes qu’ á celle du riz. (C’est dans ce sens qu’il faudrait placer les manœuvres du projet Winner d’expérimenter son périlleux essai de SRI ,lisez système de riziculture intensive dans la plaine de Cul-de-sac et non dans l’Artibonite). Un prêt a été fait á une firme de prête- non par l’UE pour essayer le melon, l’aubergine, le giraumon comme culture d’exportation dans la vallée de l’Artibonite .Les responsables de terrain de ce projet s’y investirent avec leur fougue d’anciens démarcheurs d’intrants agricoles et perdirent á leur tour le fond de l’UE qui ne fut jamais remboursé.

Il y avait aussi l’expérience d’une autre banque coopérative qui développa en Haïti la stratégie connue des escrocs de la haute finance internationale á savoir que le meilleur moyen de voler la banque ou l’état sans se faire attraper était de créer sa propre banque. On y reviendra. Tous les bénéficiaires de ces prêts hautement risqués dans l’agriculture sont devenus dans la suite ministres, chef de cabinet présidentiel, chef de cabinet des ministres , des conseillers politiques et sont aujourd’hui ,de prêt ou de loin, á l’origine de l’idée des assurances agricoles.

A l’évidence les assurances sont une activité commerciale normale de services situés en amont de la production et encouragées dans toute administration publique et privée où les services essentiels de l’état côtoient les services lucratifs du privé fournis dans la production. Une compagnie d’assurance est une entreprise commerciale qui capitalise sur la gestion des risques de l’activité assurée par l’entrepreneur pour établir son business . Le temps , la santé financière , la santé technique , les aléas climatiques et la gestion du personnel de l’entreprise ,en un mot, la vulnérabilité de l’entreprise sont des critères sur lesquels joue l’assureur pour ne jamais avoir á payer á l’assuré un éventuel dédommagement. .L’assureur dans son cahier de charges place l’assuré en condition de faire les études d’impacts et de mitigation pour que les chances de dédommagement soient presque inexistantes.

Dans l’agriculture haïtienne , le corollaire de la réduction á outrance des chances de dédommagement est superbement élevé Il est fonction de la viabilité du paquet technique garanti par la recherche agricole, de l’organisation des pré-requis de la commercialisation des produits périssables .Que ce soit dans la production proprement dite ou dans l’organisation du marché les risques de pertes sont très élevés .Les risques sont très élevés parce que les services techniques du MARNDR qui doivent garantir le paquet technique, jeter les bases de l’organisation du marché sont déficitaires voir inexistants. La recherche fait défaut, l’irrigation est déficitaire, la vulgarisation fait défaut, la sécurité des biens et des services est minimale, les sites agricoles sont exposées á l’inondation, il n’y a pas de banque de développement.

En montagne la perturbation de la pluviométrie devenue très capricieuse n’autorise que l’élevage devenu á son tour très risqué avec l’impunité des voleurs des vingt cinq dernières années et avec la faiblesse du service de la santé animale qui n’a pas les moyens d’entretenir son propre laboratoire d’analyse et de production des médicaments dont le pays a besoin. L’étranger nous vend des technologies qui ne correspondent plus á notre système paysan de production agricole désuète… Le commerce libre des flacons de médicament pour 1000 volailles et le métier de paysan qui élève huit oiseaux ne peuvent plus cohabiter..Le système ne peut pas profiter des avancées technologies connues dans l’élevage..

En Haïti sur les 100% de la consommation agricole 60% sont importés.,40% de la production agricole sont assurés par cinq millions de petits exploitants du système paysan de production agricole..Aucun de ces paysans n’a une identité viable pour bénéficier du crédit. Ils exploitent la petite propriété le plus souvent en indivis et n’ont pas accès aux nouvelles technologies . Ils ne bénéficient pas du service rapproché des forces de sécurité nationale La police nationale n’existe pas dans les sections communales, haut lieu de la production agricole..

La conception des assurances dans l’agriculture haïtienne représente une fuite en avant. C’est un stratagème de certains décideurs politiques mal conseillés ou impliqués eux-mêmes , et, de la communauté internationale pour rechercher des justifications aux dépenses folles non productives qu’ils veulent continuer en l’absence d’un état institutionnel. Les assurances agricoles sont une nouvelle tentative de reproduction d’un système économique et social maffieux qui vient au secours du faire semblant sans viser la constitution d’une élite agricole stable et sans la volonté de stimuler l’investissement dans le secteur. C’est une opération maffieuse du type coopérative 10% qui vise cette fois non pas la masse des agriculteurs qui ne s’y prêteront pas , mais plutôt les fonds de la communauté internationale par des organisations bidons ayant pris naissance dans la partie corrompue de cette même communauté internationale Les assurances agricoles seront mal accueillies dans la grande masse des producteurs et des consommateurs qui n’y voyant pas les services qu’ils revendiquent les bouderont purement et simplement. Elles seront bien accueillies par ce petit groupe de coquins qui depuis des années s’enrichissent dans une politique de semences et de sous contrats avec la communauté internationale.

Sans la nommer une banque commerciale faisant la publicité pour le microcrédit national dans l’agriculture nous apparaît très suspecte. Le temps est venu d’arrêter de multiplier á l’infini les scenarios d’enrichissement honteux d’une classe de sangsues au détriment de l’agriculture haïtienne et de la masse des petits agriculteurs. Ne serait il pas plus honnête d’aller droit au but en exploitant l’opportunité de l’humanitaire durable de ces mêmes fonds pour constituer une élite agricole sur la base de production professionnelle subventionnée engageant l’avenir des professionnels et le besoin politique de l’état de rompre avec le système de production agricole paysan qui n’a pas cessé de montrer ses limites dans toutes les études de la production en Haïti de 1804 á nos jours. Ceci n’est pas la solution définitive du problème agricole haïtien. Il est seulement transitoire.

Le pays a besoin de nouveaux stratèges en agriculture et non un nouveau club de brasseurs SYFAAH qui veulent se recycler dans les assurances agricoles. .Ceux-ci ne doivent pas être recrutés au niveau des cols blancs qui vivent de la compromission avec l’internationale mais chez les véritables producteurs et les agro industriels qui ont soutenu á un moment de la durée les efforts de la production nationale et qui en connaissent les voies de sortie. Projet Système de Financement et d’Assurances Agricoles en Haiti (SYFAAH)

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