Travestir la vérité c’est un peu saper la morale. Nous avons vraiment du mal à croire que les dirigeants d’ Haïti, pays champion dans la Caraïbe et dans le continent américain, en ce qui a trait au taux élevé de mortalité à la naissance, faute de soins de santé, s’opposent à l’établissement d’un procès contre toute personne dont les noms sont impliqués dans la dilapidation de fonds du programme PetroCaribe. Le président Jovenel Moise, en agissant de la sorte, n’apparaît pas plus démocrate que Nicolas Maduro ne l’est pas aux yeux des pays-membres de l’OEA. Leur politique s’aligne…
par Claudy Briend Auguste
Mercredi 21 février 2018 ((rezonodwes.com)).–Le président Jovenel Moïse semble désormais mettre à exécution une « résolution » du Sénat, tout simplement quand cela fait son affaire. Il avait donné le ton à Paris l’année dernière, mais la majeure partie des citoyens haïtiens croyaient qu’après son « mea culpa », lors de son discours du 1er janvier, aux Gonaïves, qu’il allait désormais s’efforcer de jouer franc-jeu en 2018, pour le bien-être des institutions du pays.
Le constat est triste et lamentable depuis le coup de force du Sénat d’invalider le rapport de la Commission-Beauplan sur la dilapidation de plus de USD 3 milliards $ du fonds PetroCaribe.
Désormais, le président haïtien vient de prouver qu’il est à la tête d’un État corrompu et qu’il suffirait de monnayer les parlementaires pour qu’il obtienne toutes les concessions du Parlement, car tous les votes s’achètent. Sans égards pour les effets à long terme sur la classe défavorisée au moment du remboursement de la dette PetroCaribe, un fonds dilapidé par « résolution après résolution» prise en Conseil des ministres, de René Préval à Jocelerme Privert, en passant par Michel Martelly, Jovenel Moise envoie ce rapport pourrir dans les tiroirs poussiéreux de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif où des membres eux-mêmes sont également mis en cause dans le document.
Pour y arriver, c’est l’aboutissement d’une machination, de supercheries, d’un complot délibérément orchestré contre le peuple haïtien qui demande des comptes. Joseph Lambert, le nouveau président du Sénat, qui perd toute crédibilité aux yeux des nationalistes et patriotes conséquents, avait réuni cyniquement, à des fins politiques, les sénateurs pro-pouvoir, dans le but de délégitimer le rapport PetroCaribe, La seule chance d’Haïti de prouver au monde que le pays se démarque de la corruption institutionnalisée. Dommage. Croyant maintenant avoir les coudées franches, le président Moïse n’a rien à envier avec Nicolas Maduro pour s’assurer de la continuité de PHTK aux timons des affaires.
Jovenel Moise s’aligne sur la politique de Nicolas Maduro
Même si le Palais national ne l’a pas encore annoncé, ce que, probablement, il fera en dernier ressort, comme d’habitude, Jovenel Moïse ira, en avril prochain, participer à la VIIIe Assemblée annuelle de l’OEA à Lima, au Pérou. Ce qui attire notre attention, c’ est son « bienfaiteur–ami » Maduro qui s’est vu déjà refuser l’invitation à ce forum, sous prétexte qu’il ne mène pas une politique favorable au pluralisme politique et à la démocratie dans son pays. Mais le président d’Haïti, avec tous les scandales de pots de vin, de corruption, de blanchiment d’argent, de main mise sur toutes les institutions publiques (UCREF, ULCC, Justice, CEP, l’armée…), travaillerait-il vraiment pour l’avancement de la démocratie en Haiti ?
Ce qu’une Assemblée constituante spéciale est à Nicolas Maduro, le Parlement haïtien, à majorité PHTKiste et alliés, l’est à Jovenel Moïse. Alors que l’OEA reproche à Maduro, l’organisation suspecte et frauduleuse d’élections à venir en faveur de son parti chaviste au pouvoir, elle aurait oublié que Jovenel Moïse travaille également sans relâche pour monter son propre Conseil électoral permanent afin de favoriser le retour de Michel Martelly au pouvoir, en 2022, contre vents et marrées. Cette politique de deux poids et deux mesures semble révolter les consciences citoyennes quand elles voient dérouler sous les pas de l’un des pourfendeurs de la patrie le tapis rouge, tandis que ce privilège est nié à un autre dont les politiques se ressemblent et font souffrir autant ses concitoyens.
Les personnes indexées jubilent
L‘administration Moïse-Lafontant marque des points après s’être assurée de la déroute des partis de l’opposition en Haïti dont le plus grand nombre est à la solde du pouvoir. Si Laurent Lamothe semble se réjouir de la publication de la « Résolution de la honte du Sénat» dans Le Moniteur, par contre Wilson Laleau, le seul maître à penser au Palais national, parle à travers Jovenel Moïse, ne se rendant pas compte qu’il affaiblit les institutions vitales du pays.
L’empressement du président à publier ce document fait montre de légèreté au point qu’on se demande si Jovenel Moïse est vraiment le chef d’État d’Haïti et non Michel Martelly/ Sweet Micky, pour un second quinquennat consécutif. L’imposition de celui-ci sur le parcours carnavalesque de Port-au-Prince en est un exemple flagrant.
Et si la justice était vraiment indépendante, qu’adviendrait-il de cette résolution de la honte
Premièrement, il ne reviendrait jamais à Laurent Lamothe de se frotter les mains et, qui, comme un gamin, croit encore au Père Noël, en envoyant des fleurs à l’endroit des sénateurs, alors qu’il critiquait, semaine auparavant, la gestion du bureau du sénat. Secundo, seul un tribunal dûment constitué, pourrait laver l’ex-Premier-ministre de tout soupçon avec le record d’incrédibilité qu’il a battu depuis la publication de la première version du document PetroCaribe. Pas si vite, lui dit Youri Latortue. Encore un autre politicien « madré » qui jouerait au double jeu avec le rapport PetroCaribe, prétextant qu’il n’était pas informé de la tenue d’une séance secrète et informelle pour décider du sort final de l’embarrassant et épineux document de Beauplan qui reste comme une tâche d’huile au collet de Lamothe, Laleau, Bellerive et autres.
Pour très longtemps encore, quoiqu’ils fassent et disent. Le processus de poursuites judiciaires, dans le cadre de l’affaire PetroCaribe est mis en branle, vu que le dossier se trouve devant un cabinet d’instruction, malgré l’incertitude qui plane sur son suivi sans encombre par rapport à la compilation des faits et les séances d’interrogatoire. Seul le temps donne raison, car les Haïtiens sont à un cheveux de tout oublier, surtout quand les bourreaux d’hier se font passer aujourd’hui pour des victimes. Serons-nous à nous plaindre de leur sort, jusqu’à leur confier à nouveau le gouvernail du pays, pour piller davantage la caisse publique ?
« Le rapport PetroCaribe ne sera pas enterré » a maintenu fermement le Sénateur du Sud, Jean Mary Junior Salomon. Et si la justice emboîtait le pas ! En fin de compte, et si nos hommes d’état n’étaient que des sérieux qui leurrent la population ?
cba
(texte extrait de Haïti-Observateur, édition du 21 au 28 février 2018)