Dimanche 5 avril 2020 ((rezonodwes.com))– D’entrée de jeu, je voudrais dire que je ne suis ni un spécialiste de la santé, ni un politicien, encore moins un philosophe. Je suis un citoyen ordinaire qui, comme beaucoup d’autres, est secoué et concerné par la pandémie du coronavirus. Et en tant qu’êtres pensants et potentielles victimes, cette secousse ne saurait  nous laisser indifférents. Il m’a donc semblé opportun de partager avec vous les quelques réflexions que suscite en moi cette catastrophe  mondiale. 

Mon texte permettra – je l’espère – de faire prendre conscience de la fragilité d’un ordre que l’on croyait immuable et conséquemment de tirer les bonnes leçons. Il ne dégage, ni ne propose à proprement parler, aucune solution. Il n’est pas non plus pour moi question de porter des critiques envers quiconque en particulier ni de déverser de quelconques frustrations. 

Mon approche est globale et a un caractère plutôt philosophique. En ce sens, elle touchera aussi bien les aspects sociologiques, culturels, religieux, politiques, économiques, communicationnels,  psychologiques de la pandémie, et que sais-je encore ! 

Finalement je ne prétends surtout pas que tous mes propos soient exclusivement propres à mes réflexions personnelles. Souffrez donc que vous y retrouviez quelques commentaires qui ont déjà été faits ici ou ailleurs depuis le  début de la crise. 

La pandémie du coronavirus a mis à nues toutes les inégalités sociales qui existent dans nos sociétés, a confirmé l’incompétence, la médiocrité et l’irresponsabilité de nos dirigeants (on ne pouvait pas s’attendre à mieux), et nous a rappelé l’ignorance de notre pauvre petit peuple. 

D’un point de vue idéologico-politique, on peut dire que cette pandémie montre crûment le visage monstrueux du capitalisme. La peur est dans tous les camps. Ce ne sont pas seulement les pays pauvres qui y sont exposés et c’est pour cela que les pays riches mettent tout en branle pour tenter de la combattre. Ils mettent à profit des montants faramineux pour la recherche, la production de matériels de santé, la construction de nouveaux hôpitaux, sans compter les milliards pour aider les entreprises et les travailleurs les plus vulnérables. Et c’est  là que l’on découvre justement le cynisme du capitalisme. 

En effet, ces montants qui ont toujours été disponibles (et qui le sont encore), auraient pu certainement contribuer à endiguer la pauvreté, à combattre la faim dans les pays dits en voie de développement et à améliorer ainsi les conditions matérielles d’existence des plus pauvres. Moyennant évidemment que les gouvernements en place dans ces pays fassent la preuve qu’ils sauraient bien gérer ces ressources financières.  Suivez mon regard – kote kòb petro caribe a ? 

Selon un rapport de l’UNICEF publié en 2018, quelques 5.4 millions d’enfants de moins de 5 ans sont morts en 2017, la plupart de causes évitables, soit à peu près une moyenne de 15,000 par jour (i.e 1.7 enfants meurent à toutes les 10 secondes). 50% de ces décès dans le monde ont eu lieu en Afrique subsaharienne et 30%, en Asie du Sud-Est. 

Un enfant sur 13 meurt avant son cinquième anniversaire en Afrique subsaharienne. Dans les pays à revenu élevé, ce chiffre chute à un enfant sur 185. Le rapport indique en outre que les enfants vivant dans les pays enregistrant les taux de mortalité les plus élevés ont 60 fois plus de risques de mourir au cours des cinq premières années de leur vie que ceux des pays enregistrant les taux  de mortalité les plus faibles. 

La grande majorité de ces décès est due au “virus” de la faim. Cependant, ce « virus » n’a pas le même impact médiatique que le COVID -19 car, non contagieux, il ne constitue aucune menace pour les privilégiés de la planète… Il existe cependant un vaccin tout indiqué qui lui est très efficace : la nourriture. 

Paradoxalement, les nouvelles politiques d’aide aux démunis et aux entreprises dans les pays capitalistes (voir l’article de l’économiste Thomas Lalime du Nouvelliste du 26 mars) ressemblent comme deux gouttes d’eau à ce que prône le communisme et à ce qu’ils ont l’habitude de critiquer : la prise en charge des citoyens par l’Etat, la collectivisation étatique des entreprises et des moyens de production, l’universalité des soins de santé, l’assurance-emploi,  etc. 

C’est donc en période de grave crise, que ces pays semblent reconnaître le bienfait ou la  nécessité de telle prise en charge. D’où leur extrême méchanceté. On peut donc comprendre  l’aspiration des peuples du tiers monde qui revendiquent de telles politiques, car ils sont eux-  mêmes en permanence aux prises avec des situations très graves de sous-humanité, victimes  des inégalités sociales. N’en déplaise aux anti-communistes primaires ! 

Quelle hypocrisie lorsqu’on  voit  comment  certains  d’entre  ces  derniers  applaudissent  l’aide  cubaine  !  Le comportement de l’Etat Cubain n’est pas un hasard. C’est la résultante d’une vision du monde qui a nécessité beaucoup de discipline, d’altruisme, d’abnégation, de sens du partage, de contraintes et de sacrifices que beaucoup de ceux qui applaudissent ont toujours vertement critiqués et n’auraient évidemment jamais acceptés. 

Les soixante ans de la révolution ont forgé  les mentalités des cubains (même les non-communistes) qui sont aujourd’hui culturellement moulés et pétris à ce genre de comportement imprégné d’une humanité à nulle autre pareille. 

Je vous invite à écouter à ce propos un extrait d’une allocution de Fidel Castro qui circule ces  jours-ci sur les réseaux sociaux. 

Un autre aspect de la pandémie qui met en exergue les inégalités sociales, c’est ce fameux confinement – nouvelle dénomination importée, que nos communicateurs locaux ont bizarrement  et  délibérément  adopté  en  remplacement  du  vocable  “lock”,  comme  pour distinguer le “lock” imposé par l’opposition et celui du gouvernement.

 Est-ce une stratégie de communication ?  Sa ti pèp la pral konprann nan mo konfinman sa a ? 

Bref, dans un pays comme le nôtre, pour l’avoir suffisamment répété, tout le monde sait que seuls ceux qui ont les moyens (grands commis de l’Etat, classes aisées et moyennes) peuvent, à des degrés différents, s’accommoder tant soit peu à ce nouveau “lock”… décrété cette fois par les autorités. 

N’est ce  pas le gouvernement lui-même qui expliquait comment le “lock” politique était funeste aux plus  pauvres. Qu’a-t-il fait jusqu’ici (à part les promesses) pour venir en aide concrètement aux laissés pour compte ? 

Dans un autre registre, l’Etat semblait, jusqu’à présent, sourd aux provocations de  certains pasteurs, qui au vu et au su de tous, crachaient leurs inepties et pratiquaient leurs soit  disant thérapies débiles et trompeuses sur les réseaux sociaux. Jusque là, cela ne dérangeait pas les autorités car elles se foutent royalement de l’éducation populaire ; l’ignorance pouvant leur être profitable à certains égards ; suivez encore mon regard  – élections/Dermalog ! Cela semblait donc normal, accepté et toléré, car de telles pratiques ne portent préjudice qu’à la partie la plus vulnérable de la population et contribuent à protéger cet élément de l’ensemble formé des système politique (appareil d’État) et idéologique qu’on appelle superstructure. Il a fallu le coronavirus pour bouleverser temporairement cet état de fait car il arrive que nous côtoyons dans certaines situations que vous devinez tous, cette frange de la population. 

L’histoire du mouchoir qui passait de visage en visage a été certes la goutte d’eau qui a fait renverser le vase. 

Cet aspect de la crise est une question philosophique très délicate, car il relève de la foi. J’allais dire de l’ignorance, mais souvent on ne sait plus où se trouve la barrière entre les deux. La foi est une des catégories philosophiques qui a suscité et qui suscite encore beaucoup de débats. 

Ne dit-on pas que l’on n’en discute pas ? J’aimerais toutefois m’y attarder un peu en versant dans ces débats la question de la fixation de la limite des barrières au-delà desquelles on accepte certaines choses comme (temporellement) normales. 

Lorsque quelqu’un ici vous parle de personnes qui s’envolent en pleine nuit ou de transformation d’humains en bêtes – ce qui relève de la foi – j’ose croire que la plupart de vous, mes lecteur, trouveront que ce  quelqu’un a définitivement dépassé les bornes. Ignorance me direz vous ! 

Cependant, lorsqu’on voit prier quelqu’un qui demande à Dieu de le protéger contre une adversité ou de répondre à une requête quelconque – ce que l’on a entendu en boucle ces derniers jours – on trouve cela normal et on dit que l’on respecte sa foi. Mais il faut faire gaffe, car certains trouveront qu’il y a également là un dépassement des limites du rationnel et concluront aussi à l’ignorance, même  si l’on peut convenir du support psychologique de la prière. 

Ainsi, tout est question de limite de ce qui est normal à un moment donné. Pour nos dirigeants,il a fallu cette pandémie pour soit disant prendre conscience du comportement abjecte de nos ignares pasteurs et de leur faire taire – chose qui aurait dû être faite depuis fort longtemps. On ne serait pas étonné à un retour de ces pratiques ignobles une fois passée la fureur des flots, démagogie oblige. 

La pandémie du coronavirus a et aura certainement un impact sur notre vie sociale au niveau de toute la planète. Elle devrait nous interpeller tous et susciter en nous de sérieuses réflexions. C’est dans cet esprit que j’ai tenté de partager d’une manière très superficielle quelques unes avec vous. Vous comprendrez que les sujets abordés, particulièrement ceux relatifs aux aspects politique, économique et culturel, s’inscrivent dans un cadre mondial plus global  et  nécessitent  des  débats  plus  approfondis.  

Souhaitons  alors  que  ces  débats déboucheront sur des changements de comportement et de régime politique qui seront plus profitables aux plus pauvres,rétablissant ainsi un équilibre mondial de justice sociale.   

Rien ne dit que chez nous on en tirera les bonnes leçons, comme pour le séisme du 12 
janvier 2010. 

Patrick Ambroise 
patambroise@hotmail.com