<Pito nou lèd , nou la>

par Gumais Jean Jacques

Mardi 30 avril 2019 ((rezonodwes.com))– Le pire en Haiti n’est pas un accident ni un facteur aléatoire malheureux que la naïveté humaine a occasionné par mégarde ou par manque de vigilance sociétale. Pour nous, la mentalité du pire est un choix systémique dont le socle des valeurs culturelles qui en résulte, berce, nourrit et couronne le mal destructeur.

La société Haïtienne est si confortable dans cette culture du pire, nos manœuvres de justice souillée s’inscrivent toujours dans une sorte de saupoudrage moral, de maquillage de remédiation ou encore de palliatif sociétal éphémère. On ne fait que dérouler le tapis rouge pour le grand show du théâtre agonissant. Là où le radicalisme moral et judiciaire devrait être à l’honneur, le faire semblant honteux donne raison au pire et le bal triomphant des chacals continue aux festins vautouresques de la République.

Le pire est notre système judiciaire

Mais nos hommes de loi, législateurs, juges et commissaires adorent « l’enquête se poursuit« . Ils enchérissent le débat malicieux « du fond et de la forme ». Ils sont des adeptes de « la détention préventive prolongée ». La justice, fondement de toute nation aspirant à un Etat de droit, pilier fondamental de toute société en paix, base structurelle de toute gouvernance démocratique, est pour nous autres Haïtiens le répertoire du mal infini. Nos super-avocats font la loi, ils sont juges et partis: Défenseurs acharnés du droit dans les barreaux mais bourreaux devant les tribunaux au nom de la politique. Nos juges corrompus sont facilement nommés et assiégés par la ruse à des fins électoralistes.

En effet, les magistrats dont le minimum d’éthique les contraint à la décence, sont le plus souvent mis en quarantaine et n’ont pas droit à la promotion méritée. Le couronnement du pire prévaut, la justice devient alors la monture vassalisante de la politique car nos bandits en col blanc doivent être constamment élevés en dignité. Ici on ne défend pas le plus faible mais le plus malin. On ne défend pas les droits inhérents à la personne humaine mais on perpétue cet Etat malfaiteur. On ne défend pas le droit à la justice sociale mais on exalte inégalités extrêmes et on lèche les bottes de l’insouciance affairiste au mépris de l’humanisme.

Le pire est notre système politique

Une constitution 1987 démodée, source de conflits juridiques et d’instabilité politique chronique mais nos parlementaires font tout pour l’imposer au bénéfice de leur avarisme manipulateur car sans un exécutif bicéphale excluant tout Chef de gouvernement, la marchandage politique propice à la corruption sera plus de mise. Toute une génération réclame: système présidentiel, Procureur d’Etat, décentralisation budgétaire, diminution des privilèges étatiques et réduction du nombre des nos représentants au pouvoir législatif. Hélas, la part égoïste de nos hommes de lois semble être menacée et le pire domine encore leur cirque théâtrale de séances bidons car leurs législatures aux budgets éléphants accouchent que des souris en terme de projets de lois et de résultats.

On ne saurait que reproduire les méfaits du monstre déjà conçu dans nos centres de charité politique ou boutiques privées dénommées Partis politiques. Au nombre de 155, ces fausses institutions existent de nom. Sans idéologie, sans vision ou agenda de société, sans structures organisées et sans mode de transmission générationnelle des valeurs civiques et morales, ces partis politiques ne représentent guère les revendications sociétales ni se constituent en outils de développement capables d’accoucher des alternatives modernes répondant aux défis criants de notre société.

Bien au contraire, le système politique Haïtien amplifie nos malheurs: 155 courants politiques pour 30 Sénateurs possibles, 155 visions politiques pour un seul poste de Président et une légion de députés sans âmes et état d’âme.

Ce pluralisme politique est le pluralisme du pire en ce temps post-moderne de la démocratie mondiale. Le conseil électoral permanent, une utopie dans la légende constitutionnelle. Il ne peut être crée ou adopté définitivement car la mentalité malicieuse s’oppose à tout changement progressiste et intègre. Le mal infini de la tribalisation politique ne veut pas céder la place à un système de grands plateformes politiques, au maximum cinq (5), capables réellement de redéfinir l’environnement politique et en finir avec ce chaos inélégant.

Le pire est notre Economie

Quand récemment le président Dominicain Danilo Medina, faisait éloges de son économie au Vatican et qu’il mentionnait le coût du développement rural chez lui, élevé à plus de 40 milliards de perso pour une seule année fiscale, nous comprenons bien que toute politique économique dont l’objectif ne soucie nullement de créer la richesse pour les marginalisés et incapable de provoquer du développement intégrale, est une chimère dont la seule appellation ne serait autre que « Une Caravane« .

Chez nous, une économie de rente qui ne cesse de détruire la production nationale et accroître les inégalités entre les masses et la classe possédante, une culture d’importation féroce et de commerce informelle, une mentalité de contrebandiers et d’évasion fiscale; une inflation autour de 17%, un taux de chômage de plus de 70%, un taux de croissance autour de 1,5% et un PIB par habitant le plus faible de la caraïbe, une majorité vivant avec moins de deux dollars par jour. Le résultat est indéniable: Haïti est le pays le pauvre de l’hémisphère occidental et le seul PMA de la Région.

Mais le pire, dans cette dynamique de descente aux enfers, de course acharnée vers l’abîme et un éclatement social imminent, la démagogie théâtrale en matière de décisions économiques continue à être le boussole de nos dirigeants. Aucune mesure structurelle pour freiner l’inflation et la dévaluation de notre gourde. Malgré tout, la culture de l’austérité dans l’administration publique est absente car les franchises et exonérations fiscales sont trop alléchantes pour nos loups ravisseurs. La création d’emplois n’est que des rêveries populistes et électoralistes. Les notes ou mesures circonstancielles de nos fantômes Premiers Ministres ne sont que pour la galerie. La culture du pire gangrène: corruption, impunité et crimes organisés triomphent et la mascarade du show off et du faire semblant ne font qu’absorber les grands maux de la République.

En somme, la mentalité du pire ou ce système de fonctionnement auto-destructeur conduit le peuple Haïtien dans un état léthargique malheureux. La conscience collective de tout un peuple est au point mort en s’adonnant à un anthropophagisme culturel généralisé et une schizophrénie de masse assez pertinente qui ne cesse de couronner le mal, défendre l’inacceptable et récompense des bandits politiques et économiques et surtout ceux des grands chemins.

À un moment où cette culture du pire doit être taclée dans toutes les dimensions possibles de la rigueur du droit et par les forces publiques, nous ne sourions nous donner le malin plaisir de tergiverser ou de ballotter devant les vagues d’inconsistances morales de nos élus, ni de démontrer une dose de sympathie complice, de garder des secrets claniques et encore moins de faire preuve de complaisance partisane où chaque imposteur criminel trouverait refuge dans les bras de certains groupes fanatiques de la population.

Aussi, n’est-il pas lieu que les institutions idéologiques de l’Etat: la famille, l’Ecole et l’Eglise, reconsidèrent le contenu et la méthode de transmission des valeurs sociales, civiques et morales républicaines? N’est-il pas aussi temps qu’un faible reste se lève en femmes et hommes vaillants pour recharpenter et redynamiser les institutions régaliennes et coercitives de l’Etat Haïtien?

Gumais Jean Jacques, AvMP
jjgumais@gmail.com