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par Gumais Jean Jacques

Vendredi 22 décembre 2017 ((rezonodwes.com))– Ce n’est plus le dossier du Venezuela à l’OEA mais plutôt à l’ordre du jour à l’Assemblée Générale des Nations-Unies : La décision de Donald Trump de reconnaître Jérusalem comme Capitale de l’Etat d’Israël.

Un plus grand dossier et une plus grande assemblée multilatérale où Haïti a eu droit de vote et n’avait pas droit à l’erreur.

Après un vote historique : 128 Pour, 9 Contre et 35 Abstentions, l’Assemblée Générale condamne la décision de Trump et appelle les américains à une reconsidération de leur décision.

En effet par un vote d’Abstention, la diplomatie Haïtienne répond à l’épreuve de la réalité de la diplomatie multilatérale et aux défis stratégiques des rapports interétatiques. Aussi, ce vote d’Abstention ne traduit-t-il pas un traditionalisme lassant de la diplomatie haïtienne? Ne révèle-t-il pas la conduite d’une diplomatie sans stratégie ?

1-Traditionalisme Lassant:
Une nation qui a peur de faire le Jeu d’équilibre des puissances (Balancing Power) est destinée à se faire dévorer dans ses droits d’Etat Souverain et perdre sa légitimité d’existence dans la honte car aucun gouvernement Mondial (Nations-Unies) ne peut te protéger des principes inconditionnels de [Rapport de Force et d’Intérêt National] qui régissent les relations interétatiques… (Foreign Policy)

Haïti, dans ses velléités diplomatiques indépendantistes et anticolonialistes, a été toujours un acteur cohérent dans sa tradition de lutter et de voter en faveur des <pays opprimés ou petites nations>  aux proies du danger impérialiste. Cette culture de support diplomatique inconditionnel qui a pris naissance après notre indépendance et qui, amplifiée au cours des années soixante avec la décolonisation de l’Afrique, se révèle pourtant aujourd’hui lassante et obsolète.

A ce niveau, les récentes actions de Taiwan considéré comme un allié économique a démystifié cette culture traditionnaliste de la diplomatie Haïtienne. Un pays dit « Petite nation amie d`Haiti » vient de renforcer à hauteur de millions de dollars l’arsenal militaire de l’adversaire et voisin immédiat pendant que Haïti est dans la tourmente diplomatique, politique et financière pour reconstituer sa défense nationale. Une semaine après cette gifle diplomatique, ce même Taiwan a osé d’annoncer la disponibilité d’un prêt de 50 million de dollars pour la relance d’un secteur énergétique évalué a plus de 3 milliards de dollars dont le Président Jovenel Moise fait un pilier de son agenda politique.

De ce fait, les dynamiques de la réalité internationale sont plutôt au détriment d’une telle approche. Aujourd’hui, la diplomatie multilatérale dans ses complexités de friction, fissure et fusion laisse le champ libre aux puissances régionales, subrégionales et mondiales à forger ou de modeler les rapports internationaux. Nous sommes plus aux temps d’émancipation culturelle indépendantiste ou de la guerre froide où nous devions nous rallier à un bloc géopolitique pour des raisons idéologiques non mesurées, non planifiées et sans intérêt national.

Le globalisme et le néolibéralisme de la scène internationale sont trop puissants et incontournables pour qu’Haïti soit l’objet spécial d’une tendance impérialiste capable de nous soustraire d’une quelconque essence culturelle. Faire valoir nos droits de vote dans un contexte pareil exigerait une approche plutôt réaliste ou pragmatique. Ne sommes-nous pas dans le giron occidental des Etats-Unis, de la France et du Royaume-Uni comme superpuissances ayant droit de veto au conseil de sécurité des Nations-Unies ? Pourquoi négligeons-nous les deux autres superpuissances ayant ce même droit de veto ?

Si notre économie, notre budget de fonctionnement et même notre seule force de sécurité dépendent en majeure partie des Etats-Unis pourquoi ne pas consolider ces rapports par des stratégies bénéfiques à notre intérêt national ? Un vote d’abstention parait diplomatiquement correct et évite Haïti de toutes nuisances ou représailles diplomatiques mais ne va rien changer dans nos rapports bilatéraux avec les pays amis. Au contraire, cette abstention vient au moment où nous devons briser ce paradigme de diplomatie traditionnelle lassante pour une diplomatie pragmatique capable de faire le grand jeux d’équilibre des puissances dans le seul but de tirer profit des superpuissances et du coup résoudre certains de nos urgents et importants dossiers.

2-Diplomatie Sans Stratégie Aucune:
Par cette abstention, Haïti vient de perdre une opportunité énorme de rallier en sa faveur l’attention et la considération de l’administration Trump sur deux dossiers super importants. Sans ambages nous aurions dû voter contre la déclaration des Nations unies, de condamner la décision de Trump. Il semble que les conseils prodigués à Jovenel ne sont pas mesurés dans une perspective de conquête diplomatique ou de vision gagnante sur le long terme. Un vote en faveur des américains et Israël ne peut être négligé sous aucun prétexte et aspect des relations internationales. Cette action de s’abstenir est stratégiquement mal calculée.

La stratégie en relations internationales est un outil déterminant dans toute approche diplomatique. Elle mesure les rapports de force : financiers et militaires pour tirer le meilleur résultat gagnant possible sur le long terme. La stratégie est indispensable dans la gestion des alliés et la dissuasion des adversaires. La diplomatie en soit est inexistante ou moribonde sans aucune stratégie. Si la diplomatie est le canal où passe la politique étrangère d’un Etat ; La stratégie elle-même est à la fois l’instrument essentiel qui manœuvre l’échiquier international et aussi le baromètre qui détermine l’efficacité des actions diplomatiques visant à faire prévaloir les intérêts de sa politique étrangère. Donc, il n’existe pas de diplomatie sans politique étrangère et encore moins de victoire ou conquête diplomatique sans stratégie.

En effet, deux jours après la publication officielle du document stratégique de Sécurité nationale de l’Administration Trump, quelques jours après que les Américains aient dû recourir au droit de veto au conseil de sécurité des nations-Unies pour opposer toute résolution visant chambarder leur décision sur Jérusalem ; L’ambassadrice Américaine aux nations Unies, Nikky Haley a brandi la menace de couper l’aide à certains pays alliés en reprenant les paroles du président Trump qui lui-même avait averti de garder dans le trésor américain l’argent de l’aide de possibles pays récalcitrants. Malgré ces menaces, jugées peu diplomatiques de la part de certains représentants, Haïti ne peut guère recourir devant une instance internationale pour éviter une éventuelle punition ou possible considération américaine en dépit de son vote d’abstention.

A cet effet, cette abstention ne va rien apporter à Haïti sur le dossier du TPS récemment prolongé à terme sans possibilité de renouvellement et non plus sur le projet de défense nationale encore mal vue par l’Oncle Sam. Un vote en faveur des américains aurait pu bien rendre flexible l’administration républicaine sur ces deux dossiers après leur avoir tapé sur les nerfs sur le dossier du Venezuela. Sans négliger les rapports spéciaux que nous pourrions développer avec Israël, le pays le plus avancé dans les technologies militaires et de communications. De l’autre côté, cette majorité de pays qui ont voté aux détriments des américains incluant un grand nombre d`abstentionistes, sont économiquement et stratégiquement mieux préparés pour contrecarrer toutes éventuelles représailles de Trump.

En clair, ce vote d’abstention peut être considéré comme un vote perdant-perdant. S’abstenir est un acte juridique répondant au principe de neutralité du droit international en temps de guerre. N’étant pas un pays neutre ni en temps de guerre, ce droit d’abstention devient politique et exprime un comportement dans les relations internationales multilatérales et particulièrement dans les rapports bilatéraux. Ainsi, même en s’abstenant Haïti perd et continue de perdre grandement. Dans un contexte pareil, jouer à la prudence ne peut-être et ne sera jamais considéré comme une stratégie gagnante mais plutôt comme l’expression d’une diplomatie traditionnelle à la fois perdante et sans vision.

Gumais Jean Jacques