Dans un pays où la corruption est devenue presque banale, le dernier rapport d’enquête publié par l’organisation Ensemble Contre la Corruption (ECC) n’en est pas moins un véritable coup de tonnerre. Cette enquête, menée sur plus d’un an, lève le voile sur une structure organisée de prédation financière au sein du Ministère de la Jeunesse, des Sports et de l’Action Civique (MJSAC), un ministère censé être la colonne vertébrale de l’encadrement de la jeunesse haïtienne.
Ce rapport, documenté, rigoureux et implacable, révèle l’existence d’un système de détournement de fonds publics à grande échelle, impliquant des cadres administratifs, des prestataires fictifs, et des complicités politiques jusque dans les plus hautes sphères du pouvoir.
L’enquête a permis de retracer des circuits financiers complexes, où l’argent destiné à financer des programmes sociaux pour les jeunes a été siphonné à travers des entreprises écrans, des projets bidons et des contrats sans appel d’offres.
Les faits en chiffres :
• Plus de 50 millions de gourdes affectés à des programmes “jeunesse” sans résultats visibles ni audit possible ;
• Des dizaines de contrats attribués sans respect des procédures légales ;
• Des responsables qui ont signé des décharges pour des projets jamais réalisés ;
• Un système où aucun contrôle interne ne fonctionne et où la chaîne de commandement participe ou ferme les yeux.
“Ce n’est pas une faille du système, c’est le système lui-même qui est construit autour du vol”, déclare un enquêteur sous anonymat.
Le rapport cite plusieurs projets comme “Formations civiques et leadership pour la jeunesse”, “Promotion de la culture sportive dans les milieux défavorisés” ou encore “Programme d’intégration économique post-COVID”. Tous sont financés, signés, comptabilisés. Mais sur le terrain ? Rien. Aucun bénéficiaire, aucun impact, aucun suivi.
Les seuls qui semblent avoir profité de ces projets sont les firmes privées “amies”, les fonctionnaires complices et leurs parrains politiques.
Malgré l’évidence des faits, malgré la gravité des montants détournés et l’atteinte aux droits de milliers de jeunes, aucune arrestation n’a été effectuée à ce jour. Aucun responsable n’a été suspendu.
Ce silence, qui confine à la complicité, est interprété par les analystes comme une stratégie d’étouffement délibérée. Le pouvoir actuel ne souhaite pas que l’affaire fasse trop de bruit, encore moins à l’approche des échéances électorales prévues pour fin 2025.
“Nous ne pouvons pas continuer à faire semblant d’avoir un État quand celui-ci protège les voleurs plutôt que les victimes”, fulmine une militante du Collectif Anticorruption.
La jeunesse haïtienne, qui compose plus de 60 % de la population, ne cesse d’être sacrifiée sur l’autel de l’enrichissement illicite. Les fonds qui auraient pu servir à construire des terrains de sport, des centres culturels, des formations techniques, sont avalés par un système qui ne voit dans la jeunesse qu’un prétexte budgétaire.
Nombreux sont les jeunes qui sombrent dans le chômage, l’émigration, la criminalité, pendant que les cadres ministériels se partagent les fruits de la corruption en toute tranquillité.
Ce scandale n’est pas un cas isolé. Il s’inscrit dans une longue liste d’abus dénoncés depuis des décennies : PetroCaribe, les marchés fictifs de l’Éducation nationale, les scandales à la DINEPA et au MTPTC. À chaque fois, des rapports sont publiés, mais les criminels restent en poste, voire sont promus.
L’ECC a réclamé :
–La suspension immédiate des cadres identifiés ;
–Le transfert du dossier à la justice et l’ouverture d’une enquête judiciaire indépendante ;
–Un audit exhaustif des dépenses du MJSAC depuis 2020 ;
–La protection des lanceurs d’alerte ayant collaboré à l’enquête.
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