Une nuit fatidique et ses promesses trahies
Le 7 juillet 2021, à 1h00 du matin, Jovenel Moïse était exécuté de douze balles dans sa résidence de Pétion-Ville, sous les yeux d’une garde présidentielle étrangement passive . Martine Moïse, grièvement blessée, fut évacuée vers Miami, tandis que les assassins – 28 mercenaires colombiens et haïtiano-américains – fuyaient en criant “Opération DEA !”, une mise en scène macabre. Quatre ans plus tard, malgré les dénonciations internationales et les promesses de justice, Haïti sombre dans un chaos où gangs et impunité règnent en maîtres. L’assassinat de Moïse, loin d’être un événement isolé, est le symbole d’un système politique toxique qu’il a lui-même alimenté, entre servilité envers les élites, instrumentalisation des gangs et incapacité à construire des institutions légitimes.
I. Jovenel Moïse : La marionnette impuissante des élites
A. Un président fabriqué par le PHTK et la bourgeoisie
– L’héritier imposé de Michel Martelly** : Moïse, inconnu du public avant 2015, fut propulsé par l’ancien président Michel Martelly, alors accusé de détourner les fonds de la reconstruction post-séisme. Son élection en 2016, avec 56% des voix mais une participation de 21%, reflète une légitimité fictive.
– Le pantin des intérêts économiques : Le scandale PetroCaribe (détournement de milliards de dollars vénézuéliens) impliqua Moïse et l’oligarchie haïtienne. Selon le New York Times, il tenta tardivement de dénoncer ces réseaux, notamment Charles Saint-Rémy, beau-frère de Martelly, déclenchant des tensions fatales .
B. Un leadership chaotique et isolé
– Gouvernement par décret et rotations absurdes : Après la suspension des législatives en 2019, Moïse dirigea par décret, nommant sept premiers ministres en quatre ans, dont Ariel Henry, intronisé deux jours avant son assassinat.
– Des collaborateurs incompétents ou corrompus : Le choix de Dimitri Hérard, chef de la sécurité présidentielle, fut catastrophique. Impliqué dans un prétendu coup d’État en février 2021, il s’enfuit après l’assaut des gangs contre les prisons en 2024 .
– Le paradoxe fatal : Moïse, présenté comme un “petit agriculteur self-made”, accumula une fortune via Agritrans, une entreprise bananière financée par des prêts douteux et des expropriations violentes de paysans.
II. La fabrique du monstre : Comment Moïse a institutionnalisé les gangs
A. La création du G9 : Une stratégie politique délibérée
– Jimmy “Barbecue” Cherizier, produit du pouvoir : En février 2020, Moïse créa la “Commission nationale de désarmement”, qui servit de couverture à la formation du G9, une fédération de gangs dirigée par l’ex-policier Cherizier. Des sources haïtiennes attestent que ses lieutenants se rendaient régulièrement au palais présidentiel de nuit .
– Territoires et terreur : Le G9 contrôlait Martissant, Cité Soleil (300 000 habitants) et Delmas, verrouillant l’accès à Port-au-Prince. Ses membres, équipés de drones et d’armes de guerre, multiplièrent massacres et kidnappings – 950 recensés en 2021.
B. Du G9 à Viv Ansanm : L’héritage gangrénique
– L’alliance mortifère : En septembre 2023, le G9 s’unit au G-Pep (gang rival) pour former Viv Ansanm (“Vivre Ensemble”), coalition responsable en 2024 de la prise de l’aéroport, des prisons et de 80% de Port-au-Prince. Leur offensive força la démission du PM Ariel Henry.
– Sanctions internationales et terreur systémique : En mai 2025, les États-Unis classèrent Viv Ansanm et Gran Grif (gang dominant l’Artibonite) comme organisations terroristes, soulignant leur “violence systématique” incluant viols collectifs et recrutement d’enfants dès 8 ans.
Chiffres-clés :
– 5 600 morts violentes en 2024 (+1 000 vs 2023).
– 1 million de déplacés internes, dont 200 000 à Port-au-Prince .
– 50% des membres de gangs sont des enfants .
III. L’assassinat : Un crime impuni révélateur de l’effondrement étatique
A. Le scénario d’une conspiration élitiste
– Le rôle clé d’Emmanuel Sanon: Ce “pasteur-médecin” auto-proclamé, basé en Floride, recruta via CTU Security (société de Miami) les mercenaires colombiens. Promis à la présidence, il fournit armes et faux mandats d’arrêt contre Moïse.
– Complicités haïtiennes : Joseph Félix Badio (ex employé ministériel), John Joël Joseph (ex-sénateur) et le juge Windelle Coq Thélot (qui signa un mandat contre Moïse) furent identifiés comme cerveaux. Thélot « mourut » en fuite en 2024.
B. Une enquête paralysée par les gangs et la corruption
– Procès fantômes en Haïti : Aucun des 40 suspects arrêtés n’a été jugé. Les audiences, délocalisées trois fois suite aux attaques gangréniques, sont des théâtres de déni : “Je ne savais pas que le président était tué”, clame Jheyner Carmona Flores, mercenaire colombien.
– Avancées américaines… limitées : Onze suspects extradés aux États-Unis, dont cinq ont plaidé coupables. Le procès des autres (dont Sanon et Solages) est prévu pour mars 2026. Martine Moïse, inculpée en Haïti pour “complicité”, y témoignera.
Citation révélatrice : “Le système judiciaire haïtien ne montre aucune capacité à prendre en charge cette enquête” – Louis Herns Marcelin, professeur à l’Université de Miami.
IV. Au-delà de Moïse : L’impossible justice dans un État fantôme
A. La farce transitionnelle
– Un conseil présidentiel sans légitimité** : Installé en avril 2024 sous pression internationale, il est miné par la corruption et les luttes internes. Son incapacité à déployer la mission internationale kenyanne (seulement 1 000 sur 2 500 hommes prévus) aggrave l’insécurité .
– La justice comme arme politique : Le PM Ariel Henry fit licencier les juges l’incriminant dans l’assassinat, malgré ses appels téléphoniques avec Joseph Badio.
B. Le piège de la mémoire sélective
– Jovenel, victime parmi des milliers d’autres : Sous Moïse, l’assassinat des “valeurs” (journalistes, militants) fut ignoré. Aujourd’hui, 2,7 millions d’Haïtiens vivent en zones gangrénées où les violences sexuelles et l’embrigadement d’enfants sont systémiques .
– L’exode des cerveaux : 380 000 Haïtiens ont fui depuis 2010, dont 20% de diplômés – une saignée empêchant toute reconstruction.
Ironie tragique : En octobre 2021, Jimmy “Barbecue” déposa une gerbe au monument Dessalines, criant “Justice pour Jovenel !” avant d’appeler à “venger” le président qu’il contribua à détruire.
Jovenel Moïse, miroir brisé d’Haïti
Quatre ans après sa mort, Jovenel Moïse incarne les contradictions maudites d’Haïti :
– Marionnette devenu gênante pour les élites qui le créèrent ;
– Pyromane d’une guerre gangrénique qu’il ne contrôla jamais ;
– Symbole d’une justice inaccessible dans un État en décomposition.
La mission kenyane, les sanctions contre Viv Ansanm, ou les procès américains sont des pansements sur une gangrène structurelle. Tant que les élites qui armèrent les gangs – et peut-être commanditèrent l’assassinat – ne seront pas inquiétées, “l’homme seul” restera une étape funeste dans la longue liste des martyrs d’une nation sacrifiée. Comme le résume un juge haïtien lors d’une audience vaine : “À votre place, je mourrais plutôt que laisser passer l’ennemi” . Une leçon que Moïse, et Haïti, payent au prix fort.
Épilogue statistique:
– 80% de Port-au-Prince sous contrôle gangrénique.
– 5,4 millions d’Haïtiens en insécurité alimentaire aiguë .
– 11 inculpés aux États-Unis…pour 200 gangs actifs .
Références citées : Rapports du New York Times (2021), BBC (2021-2024), AP (2025), RNDDH, Département d’État américain (2025), et Al Jazeera (2024).
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