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Valmy, Austerlitz, Waterloo… Ces noms résonnent dans la mémoire collective comme les grandes batailles qui ont façonné l’Europe. Pourtant, dans l’ombre de cette histoire officielle se cache un affrontement décisif, volontairement occulté : la bataille de Vertières. Le 18 novembre 1803, sur une colline du nord de Saint-Domingue, une armée d’« indigènes » affranchis infligea à la puissante armée napoléonienne l’une de ses défaites les plus humiliantes. Cette victoire ne signa pas seulement l’acte de naissance d’Haïti, elle fut un séisme politique qui ébranla l’édifice colonial et esclavagiste dans toutes les Amériques.

 

Le Siège de la Liberté

Vertières n’est pas une simple escarmouche, mais l’apogée sanglant et stratégique d’une longue guerre pour l’indépendance. Contrairement aux batailles défensives de la Crête-à-Pierrot ou de la Ravine-à-Couleuvres, les insurgés passent à l’offensive. Ils assiègent les dix forts français protégeant le Cap-Français, dont le redoutable fort Vertières, réputé imprenable. Face aux 5 000 soldats aguerris du général Rochambeau, se dressent près de 20 000 combattants déterminés, menés par des figures devenues légendaires.

La supériorité des forces de Dessalines n’était pas seulement numérique ; elle était morale et tactique. L’armée indigène fit preuve d’une bravoure et d’une ingéniosité qui stupéfièrent l’ennemi. Cette volonté de vaincre était alimentée par l’horreur des méthodes utilisées par les Français pour réprimer la révolte. L’historien Beaubrun Ardouin et, plus tard, Claude Ribbe, ont documenté les atrocités de Rochambeau : noyades, pendaisons, et l’usage précurseur des chambres à gaz en asphyxiant des centaines de prisonniers au dioxyde de soufre dans les cales de navires. Face à cette barbarie, la seule issue était la victoire ou la mort.

Le Génie Tactique et l’Héroïsme Pur

Depuis son quartier général établi symboliquement sur la terre des révoltés Mackandal et Boukman, Jean-Jacques Dessalines déploie une stratégie de guérilla d’une modernité remarquable. Il fractionne ses forces pour disperser l’ennemi tout en concentrant ses efforts sur l’objectif principal : la prise de Vertières.

Mais la bataille est entrée dans la légende par l’exploit d’un homme : François Capois, dit « Capois-la-Mort ». À la tête de ses grenadiers, il lance assaut sur assaut contre les positions françaises, malgré une pluie de mitraille qui décime ses rangs. Son cheval est tué sous lui. Il se relève, sabre au poing. Un boulet lui arrache son chapeau. Rien n’arrête son avancée. Il galvanise ses troupes en criant « En avant ! En avant ! ». Son héroïsme est si fulgurant que, fait rarissime dans l’histoire militaire, l’ennemi lui-même suspend le combat pour l’en saluer. Rochambeau, subjugué, lui envoie un émissaire pour le féliciter. Cet épisode, souvent relié dans l’imaginaire haïtien à l’intervention du dieu guerrier Ogoun Feray, transcende l’affrontement militaire pour en faire un combat épique.

L’Effondrement d’un Monde

Après douze heures de combats acharnés qui coûtent la vie à 1 200 soldats indigènes, la ligne de défense française cède. Le 19 novembre au matin, Rochambeau capitule. La voie est libre pour la proclamation de l’Indépendance, qui interviendra quelques semaines plus tard, le 1er janvier 1804.

La victoire de Vertières est bien plus qu’un fait d’armes. C’est une révolution. Pour la première fois, une armée composée d’anciens esclaves a vaincu une puissance coloniale européenne sur son propre terrain, en appliquant et en radicalisant ses propres idéaux de liberté et d’égalité. Elle a consacré le droit à l’afro-descendance et à la citoyenneté pleine et entière dans un monde dominé par l’économie de plantation. En brisant le mythe de l’invincibilité des armées napoléoniennes, Haïti est devenue un symbole d’espoir et un épouvantail pour tous les empires esclavagistes des Amériques.

Pourtant, 222 ans plus tard, Vertières reste une bataille oubliée. Son occultation par la France vaincue et la marginalisation d’Haïti sur la scène internationale ont contribué à effacer cette page cruciale de l’Histoire. La commémorer, ce n’est pas seulement honorer la mémoire des héros haïtiens ; c’est reconnaître le jour où, pour la première fois, la liberté a triomphé de l’empire au nom des droits universels de l’homme.

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