par Nathanael Louis Barnabé Saint-Pierre

Jeudi 25 janvier 2018 ((rezonodwes.com))– Au moment où j’écris ce texte, je suis en Terre Sainte, une nation qui s’est cherchée pendant longtemps et qui aujourd’hui est parmi les grandes nations du monde. Quoique j’ai la conviction qu’elle ne s’est pas bâtie toute seule, j’ai constaté sans surprises que la bourgeoisie israélienne n’est pas une bourgeoisie salope, avare et obsédée que par le besoin du profit.

Elle savait que pour réussir une telle entreprise il faudrait consentir à des sacrifices; et elle en a faits. Le résultat aujourd’hui est visible et palpable. Nul ne saurait nier qu’Israël à une vitesse de croissance extraordinaire et s’est taillé une place prépondérante dans le concert des nations.

C’est un pays dont la topographie est pas mal similaire à Haïti: 27,750 Km2 pour 10.8 millions d’habitants dans le cas d’Haiti contre 20,770-22,072 km2 pour 8.8 millions d’habitants dans le cas d’Israël. Au-delà des interventions extérieures qui peuvent expliquer soixante pour cent des différences, les gens qui sont riches en Israël ont à cœur d’avoir un pays prospère et qui se respecte. On dirait qu’ils savent que leur prospérité individuelle dépend d’une prospérité collective et font en sorte que cela soit une réalité. Relevons quelques différences sans qu’elles soient pour autant exhaustives :

1. Israël est le bastion de plusieurs religions. Par déformation professionnelle, c’est la première chose qui m’a frappé. Et cela ne semble pas paralyser leur développement. En Haiti, la prolifération des dénominations chrétiennes qui ne fait que diviser les haïtiens est un facteur dont il faut tenir compte. Les accusations de part et d’autre – qui sera sauvé et qui ne le sera pas – engendrent un effritement de la société parce que l’état qui devrait être laïc ne l’est pas.

Je ne sais combien de fois j’ai constaté des vodouisants accuser des chrétiens de zombifiés spirituels et des chrétiens répliquer que c’est le vodou qui zombifie. Il en résulte une société en crise d’identité, sans tolérance pour les différences religieuses. Un gouvernement qui trébuche en voulant faire plaisir à tout le monde.

Ailleurs, les sites sacrés sont partagés par des fois différentes et sans que cela pose problème. Ce qui importe c’est la mise en commun des ressources et pas la façon dont l’adoration se déroule. Pour payer leur loyer et les factures, il n’est pas rare de voir des protestants et des catholiques s’associer dans la même bâtisse. En Haiti, cela semble impossible. Les dirigeants s’envoient des fleurs et tout le monde essaie de dénigrer l’autre pour profiter du commerce des âmes. Je ne dis pas que la situation en Israël est sans problème, mais la terre sainte est pour plusieurs religions un lieu sacré sans que cela perturbe l’unité nationale.

2. Les nantis investissent dans les infrastructures nécessaires au développement. Israël est une nation reconstituée. C’est une nation qui a été conquise et dont les douze tribus constitutives ont dû partir en exil (je ne parle pas ici des conquêtes relatées par la bible, réfutées par mon ami Norluck). Seulement deux des tribus sont retraçables dans l’Israël actuel : La tribu de Juda et la tribu de Benjamin. Pourtant ils ont fait appel à des Juifs de partout pour se constituer une nation. Ils ont distribué des terrains pour que ceux qui vivent à l’étranger puissent revenir s’établir. Ils ont organisé des kibbutzim (communautés basées sur le sionisme et le socialisme) sachant que l’impérialisme ne leur conviendrait pas.

L’haïtien est un complexé, sans aucun sens d’ouverture. Il n’accepte pas que ceux qui vivent à l’étranger se mêlent des affaires internes du pays. Ce qu’il veut c’est l’argent de la diaspora mais pas son expertise encore moins sa juste participation dans les affaires internes du pays. Comment bâtir une nation lorsqu’on veut garder le monopole : le mulâtre voulait l’indépendance pour remplacer le blanc, le noir voulait l’indépendance pour ne plus être forcé à travailler. Dessalines et Pétion ont des enfants qui s’affrontent et se détruisent mutuellement aidés de surcroît par des ennemis communs.

3. La survie de la nation d’Israël est une entreprise collective. Les Israéliens croient vraiment au pays d’abord. Peu importe qui les attaque ils savent faire un front commun. Nul ne les a entendu exprimer leur désaccord en public lorsqu’ils se font attaquer. Les plus riches sont prêts à investir dans la défense du pays. Il faut comprendre que l’existence d’Israël en soi est un exploit.

L’haïtien riche pense qu’il est le plus intelligent de la bande, qu’il a réussi tout seul et qu’il n’a, en fait, besoin de personne. Il bâtit un château mais attend que ce soit le gouvernement qui vienne faire la route qui conduit chez lui. Sans quoi il préfère payer des corrompus pour avoir la route pour quelques dollars en moins. Il finit par dépenser plus sans qu’il ne s’en rend compte mais ce n’est pas grave du moment qu’il se sent important. Il élimine ses compétiteurs par n’importe quel moyen ignorant que des fois avoir la compétition est utile car ça aide à se dépasser.

4. Les kibbutzim étaient premièrement des coopératives agricoles. Situés pratiquement dans un désert, les rares vallées étaient difficiles à défendre donc dangereuses. Les terres qu’ils se sont vus offertes étaient dans des milieux défavorables, en pente, à flanc de montagne peu favorable à l’agriculture. Mais cela ne les a pas arrêtés. Ils se sont organisés, un tracteur pour une communauté, quelquefois, se refusant des gâteries individuelles pour s’offrir une nécessité collective.

Aujourd’hui Israël produit du blé, de la banane, et plusieurs fruits. Malgré la sécheresse, ils arrivent à irriguer leur terre. Chaque juif en diaspora est invité à planter un arbre parce que c’est important. Que ce soit le mont Tabor ou l’Hermon, les sources d’eau sont intarissables parce que protégées. Le désert d’un temps se transforme petit à petit en terre productrice. En Haiti c’est l’envers du décor. Le cultivateur a arrêté de cultiver. Il est devenu Port-au-Princien. L’agriculture c’est pour les idiots. D’ailleurs cela ne rapporte pas, l’haïtien ne consomme plus local. Il est devenu addicté aux produits importés.

Je vais m’arrêter là. Car je crois pouvoir dire, sans me tromper, que bâtir une nation est en grande partie une question de volonté collective. Une nation est un groupe qui s’organise avec une vision et une stratégie. Toute vision sans stratégie est un rêve. Cela prend un vouloir vivre ensemble pour réussir. Les israéliens l’ont compris et c’est leur force. Chez nous, l’union fait encore la farce.

Nathanael Louis Barnabé Saint-Pierre